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Etudiant en troisième année d'école d'imagerie 3D, Ludwig s'intéresse énormément au cinéma, et plus particulièrement au travail de prise de vue et de mise en scène de la lumière. Aujourd'hui, il nous livre sa première critique, celle d'un film qui l'a particulièrement touché. Retour sur le phénomène Mommy, dont vous avez forcément entendu parler au cours des dernières semaines.
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Quand on se rend dans les salles obscures pour aller voir un Xavier Dolan, on s'attend avant tout à un film riche d'idées et d'ambivalences. Mommy en est l'exemple parfait. Ça fourmille de bonnes trouvailles éparpillées ici et là. Bien que certains lui reprochent une trame parfois un peu faible, le film, dans sa globalité, fonctionne vraiment bien.
Mommy pose un regard clairvoyant sur la question de la pathologie et de la place que la société lui fait. Au-delà du social, il s'agit aussi d'une magnifique esquisse de l'Humain : des personnages parfois désespérés et une vision de la vie empreinte d'espérance et de beauté.
Au niveau de la forme, la première chose qui frappe est l'utilisation du format 1:1. Oppressant, confinant, il rétablit également la notion de proximité avec les personnages en nous donnant l'impression d'avoir un vieux caméscope entre les mains, et de filmer une famille dans son quotidien. Les rapides passages au 16:9 sont de véritables coups de génie qui arrivent à point nommé comme de grandes bouffées d'air frais, au moment où l'on commence à se sentir étouffé par la dureté du sujet.
On peut aussi noter une magnifique utilisation de la musique appliquée à l'image : la BO est très judicieuse et offre du plaisir aux oreilles. Aucun titre n'est choisi au hasard, tout est réuni pour faire passer les bonnes émotions au bon moment. L'esthétisme de l'image est également très présente au cours de ce film : Dolan semble peu à peu gagner en discernement dans les utilisations du ralenti, des gros plans, et autres techniques qu'il affectionne particulièrement, et dont la soi-disant gratuité d'utilisation lui avait été reproché lors de ses précédents longs métrages. Enfin, la lumière est toujours parfaitement maîtrisée, et les nuances offrent un camaïeu de tons chauds ou froids selon l'ambiance désirée.
"En sortant de la salle [...] on est épuisé par cette tempête émotionnelle"
On ne pourra que regretter, au final, la redondance des inspirations de Dolan : l'enfance troublée et la maternité mise a mal. Cependant, on découvre dans Mommy un trio d'acteur hors du commun, un sens du cadrage mature digne des plus grands. Quand on sait que Dolan n'en est qu'à son cinquième film (en cinq ans !), on ne peut qu'être émerveillé, et impatient qu'il recommence. En sortant de la salle, on n'est plus exactement le même, on se sent même un peu épuisé par cette tempête émotionnelle qui nous a balancé pendant deux heure et demi. Les personnages sont réellement attachants, malgré leur failles et leur complexité.
Tout le talent du réalisateur réside à insuffler de la beauté dans les situations les plus banales et difficiles du quotidien, montrant ainsi que les choses ne sont pas aussi manichéennes que ce qu'elles semblent être. Dans ce film, Dolan fait appel aux cinq sens afin de permettre à son public de ressentir au mieux l'atmosphère qu'il veut faire passer.
En résumé Mommy n'est sûrement pas le meilleur film de Xavier Dolan, mais dans le désert cinématographique de 2014, il sort largement du lot. Il est fortement recommandé de le voir en salle, afin d'apprécier au maximum l'esthétisme que le réalisateur nous fait partager. Contrairement à ses autres films, le réalisateur respecte davantage une trame narrative "classique", afin de se donner la possibilité de toucher un public plus large et peut-être moins cinéphile. Cela n'enlève en rien le perfectionnisme et la passion que Dolan, comme à son habitude, met dans son travail, offrant au spectateur un grand moment de cinéma.
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