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Difficile de revenir à la réalité en ce lundi 12 janvier 2015, suite à cette mobilisation historique pour la liberté. Je reste marquée par ce sentiment de sécurité et de bienveillance, au sein de cette marée humaine qui a envahi toutes les rues de France, sous les caméras et les objectifs du monde entier.
Tous ces visages croisés, tous ces sourires, ces politesses "mais je vous en prie, après vous", quand j'aurais parié quelques jours plus tôt qu'une telle manifestation ne pouvait se dérouler sans le moindre heurt.
Nous étions tous Charlie et même si, n'en déplaise à certains, Charb, Cabu, Wolinksi et Tignous, n'auraient peut-être pas été les premiers à entonner la Marseillaise ni à saluer la police par des applaudissements sincères et reconnaissants, l'esprit Charlie les a dépassé, est devenu légende, est devenu symbole, symbole d'une unité nationale, universelle, qu'on pensait éteinte, et qui a pourtant éclaboussé le monde entier de sa puissance.
Un arc-en-ciel relie République à Nation à 14h30 ce dimanche 11 janvier à Paris © MG |
Nous Français, étions le peuple le plus pessimiste du monde juste derrière l'Italie, quelques semaines à peine avant le 7 janvier. Nous avons cette étiquette de râleurs, de jamais contents, de chacun pour soi, de mauvaise humeur, et voilà que, contre toute attente, nous sommes capables d'une journée aussi belle, aussi solidaire, aussi fraternelle.
Nous réalisons tout d'un coup comme la liberté qui est la nôtre, que nous savons si bien utiliser pour chercher des poux à nos voisins, critiquer le monde, la société, le système, ou encore l'autorité ; cette liberté qui nous présente au monde entier comme un peuple qui ne sait jamais ce qu'il veut ; cette liberté est notre identité, notre consensus.
C'est presque trop simple, et c'est ce qui est beau. Nous avons grandi dans un pays en paix, dans lequel on ne se fait pas fusiller en pleine rue, et ce confort que nous pensions acquis, nous apparaît brusquement comme une chance, une chance que nous sommes prêts à défendre becs et ongles.
Mais alors maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
Déjà, je serais d'avis qu'on ouvre un tout petit peu les yeux sur ce qui se passe de part le monde, qu'on réalise à quel point nous sommes des privilégiés, car nous portons le terrible deuil de 17 personnes quand, au Nigeria, 2 000 hommes, femmes et enfants viennent d'être massacrés par Boko Haram. Et que dire des 200 000 morts comptabilisés en Syrie ?
Qu'on arrête d'accuser les journalistes de ne pas assez parler de ci ou de ça. Car quand on ouvre son journal (qu'il soit télévisé, en papier ou numérique) qu'une fois par semaine, on passe évidemment à côté de 70 % des infos traitées chaque jour. Le Nigeria, Boko Haram, #bringbackourgirls, cela fait des mois que les médias en parlent. Le Congo, des affiches dans le métro nous le rappellent tous les jours.
Nous avons à disposition la plus grande bibliothèque que l'humanité n'ait jamais connue : Internet, les réseaux sociaux. En quelques clics, nous pouvons nous informer, nous documenter, sortir des sentiers battus, apprendre, comprendre.
Cela nous confère un pouvoir énorme. Et qui dit grand pouvoir, dit aussi grandes responsabilités.
La liberté est un droit pour tous les hommes, et il est de notre devoir de le défendre, par delà les frontières, en nous faisons entendre, en dénonçant, en soutenant, en nous engageant, même (et surtout !) si c'est depuis notre territoire, même si c'est depuis le confort de nos chaumières. Agir un peu, à notre échelle, c'est déjà mieux que de ne pas agir du tout.
Nous sommes Charlie, nous sommes la France, nous sommes humains, nous sommes libres !
Marion Guillou
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