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Demain : tous immortels ?


Pouvons-nous espérer atteindre un jour l'immortalité ? Vendredi 8 novembre dernier, le Forum Libé de Montpellier réunissait quatre spécialistes à même de se poser la question, et d'y apporter quelques éléments de réponses.

Le Forum Libé de Montpellier croqué par le dessinateur Tommy ©Tommy 

"On vit une époque formidable", nous rappelait-on sans ironie en introduction. Et oui, aujourd'hui, l'espérance de vie des Français est de 81,7 ans. Une fillette sur deux née dans l'hexagone fêtera sûrement ses 100 ans ! (Sources : INED)
Quand on pense qu'au milieu du XVIIIème siècle, la moitié des enfants ne dépassaient pas l'âge de 10 ans... ça fait réfléchir ! C'est même une bonne piqûre de rappel, à l'heure où l'opinion publique est loin d'être au positivisme. 

Mais si nous avons bel et bien repoussé les limites de la mortalité, nous n'avons paradoxalement jamais été aussi angoissés par la question du vieillissement... et de la mort. Nous en voulons toujours plus. Plus de vie, mais aussi plus de santé. En un mot, nous voulons être "longévif". 

Qu'en dit la science ? 


En vieillissant, les cellules humaines perdent de leurs capacités. Elles sont, par exemple, de moins en moins susceptibles de résister au stress de la vie de tous les jours, à l'exposition au soleil, à l'alimentation, etc. Un jour, elles entrent en état de sénescence, s'accumulent dans l'organisme et entraîne sa lente dégradation. 
Pourquoi et comment nos cellules vieillissent-elles ? Répondre à cette question et y remédier permettrait l'usage de la médecine régénérative comme cure de jouvence. 
Et nous sommes loin de la sciences-fiction !

En effet, en 2011, Jean-Marc Lemaître, directeur de recherches à l'INSERM de Montpellier, a réussi l'exploit de rendre leur jeunesse à des cellules de donneurs âgés. 

De l'autre côté de l'Atlantique, Aubrey de Gray, directeur de la fondation californienne SENS spécialisée dans la médecine régénérative, se penche sur la même question.

"Nous sommes investis dans la vision d'un corps à restructurer comme une machine, précise-t-il. Le corps humain est capable de réparer de lui-même beaucoup des dommages qui lui sont faits. Il est donc cohérent de développer une médecine qui se calque sur cette capacité. En d'autres termes, une médecine capable de réparer les dommages que le corps humain n'arrive pas - ou plus- à réparer tout seul."

L'idée est séduisante ! 

Qu'en disent les philosophes ?


En 1948, l'OMS définissait l'expression "être en bonne santé" par les termes suivants : "c'est pouvoir réaliser son bien-être individuel et collectif". L'expression prenait ainsi une directive bien différente de celle qui la précédait et qui parlait en ces mots: "c'est permettre au médecin de redonner au corps sa capacité à se regénérer.
Aujourd'hui, on ne confère donc plus à notre corps la décision d'accepter de se faire soigner ou non, mais on considère la santé comme un dû, nécessaire à notre accomplissement individuel et collectif. Nous avons une vision technique de notre corps, débarrassé de la composante spirituelle qu'on lui prêtait auparavant. 

La vieillesse nous renvoie donc à une réalité que nous avons de plus en plus de mal à accepter. Celle de la mort. Car plus notre corps est jeune et en bonne santé, moins la mort est acceptable. Préserver cet état le plus longtemps possible permet de fuir l'idée de la mort, tandis que les signes physiques de l'âge nous rappellent que nous courrons tous vers le même but final. 

Jean-Michel Truong et Jean-Michel Besnier sont tous les deux philosophes spécialistes des nouvelles technologies, de l'intelligence artificielle, des sciences cognitives et de leurs impacts.

"J'entends déjà les darwiniens nous expliquer que vieillir et mourir n'a aucun sens biologique, analyse Jean-Michel Besnier. Mais quand allons-nous réagir face à l'idée que nous ne sommes que des animaux comme les autres ? Ou bien des robots ? L'immortalité nous met face à ce que nous pensons vraiment de la vie. Car la vie est le contraire même du projet planifié ou du programme. Il importe vraiment de prendre la mesure de notre adhésion à ce fantasme d'immortalité." 

L'idée n'est pas d'opposer "science sans conscience" et "philosophes humanistes". Jean-Marc Lemaître et Aubrey de Gray travaillent avant tout pour le progrès de la science, dont les conséquences immédiates sont une amélioration des conditions de santé des personnes souffrant de graves maladies. Ils font leur travail, tandis que les philosophes font le leur, à savoir, nous permettre d'élargir nos horizons à travers la pensée. 

Jean-Michel Truong tient cependant à souligner l'existence d'un phénomène qui nous dépasse. 

"Les scientifiques, bien que plein de bonne volonté, font partie d'un mécanisme social de création d'attente dans le public, en vue d'extraire des ressources. En d'autres termes, ils font partie d'un mécanisme de pompes à finances autour d'une grande idée qui nous touche tous."

L'existence et les conséquences de ce mécanisme ne sont pas maîtrisées par le corps scientifique qui travaille à l'amélioration des conditions de santé, mais englobées dans un système devenu presque autonome, capable de soulever des ressources financières considérables, et donc d'influer sur l'évolution de la civilisation humaine.
Jean-Michel Besnier soutient cette idée et la pousse plus loin.

"La classe d'âge qui aujourd'hui est au pouvoir, c'est celle que nous avons autrefois appelé les baby-boomeurs. Ces désormais papy-boomeurs paniquent à l'idée de mourir et font en sorte de mobiliser des moyens financiers colossaux dans la recherche, plutôt que de contribuer au mieux vivre. Est-ce normal ? Est-ce anormal ? Dans tous les cas, se pose la question de l'argent et de sa juste utilisation."

Qu'en dit le public ?


Le public montpelliérain est venu nombreux au Corum pour le Forum Libé 2013 ©Simon Challier/Liberation 

La salle Antigone 3 qui accueillait la conférence "Demain: tous immortels ?" était pleine... L'âge moyen tournait autour de la soixantaine (mais c'est normal, un vendredi après-midi). Les questions du public aux invités étaient (presque) toutes très pertinentes, et prouvaient que les montpelliérains s'étaient déjà penchés sur le sujet...
Parmi les idées intéressantes, j'ai retenu celle-ci : si la science nous permet de vivre toujours plus vieux et en bonne santé, nous allons devoir repenser la vieillesse. Il ne sera pas question de "laisser aller", au contraire, le sentiment d'urgence de la vie devra être maintenu. Ainsi, seules les personnes aptes (physiquement, intellectuellement et financièrement) à avoir des projets même à des âges très avancés, auront réellement le ressort de vivre très longtemps. 

En 2010, on estime que sur l'ensemble des suicides en France, 28% concernent la tranche d'âge des plus de 64 ans (ce qui la place en seconde position derrière celle des 45-64 ans, selon les chiffres de l'INSERM).   
Nombreux sont donc les hommes et les femmes pour qui la question de l'immortalité ne se pose pas du tout. Nous pouvons éventuellement y voir là un signe : les dommages causés notre corps seront peut-être un jour réparables à l'infini, mais qu'en sera-t-il des blessures de notre âme ? 

La mortalité nous définit depuis la nuit des temps, et sans celle-ci, l'homme n'en serait plus un.

Pour aller plus loin : l'interview de Aubrey de Gray et "le transhumanisme, ambition moritifère", deux articles publiés par Liberation à la suite du Forum Libé de Montpellier.  


Marion Guillou




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