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Au nom du sport, Amen.

São Paulo - 10 mai 2014 © Paulo Ito

A trois jours du début de la Coupe du monde de football, qui s’ouvre le 12 juin à São Paulo, au Brésil, l'enthousiasme a laissé, pour beaucoup, place à la colère. 

Depuis le 19 décembre 2008, jour d’implantation de la première UPP (Unités de Police Pacificatrice) dans la favela Santa Marta, la police militaire occupe progressivement l’ensemble des favelas de la ville. Cette engagement de la police dans une guerre de contrôle des territoires pauvres, délaissés depuis des années par les pouvoirs publics, est une réponse à la volonté de sécurisation de la ville, en vue de la Coupe du monde et des Jeux Olympiques de 2016.

Expulsions forcées, disparitions, assassinats, répression, flambées de violences, les bavures et les dérapages sont nombreux. Un jeune danseur brésilien, Douglas Rafael Pereira, en aura fait les frais au prix de sa vie, battu à mort par les UPP en avril dernier.

Expulsion musclée des habitants d'une favela © AFP

En parallèle de ces actions policières, la construction de voies express, la réalisation de travaux autour du stade Maracanã, la modernisation de la zone portuaire, ou encore les aménagements urbains autour du futur parc olympique, ont entraîné plusieurs milliers d’expulsions forcées. Selon les ONG, environ 250 000 familles ont dû quitter leur maison ou sont menacées d'expulsion, pour faire place aux stades. Les relocalisations orchestrées par le gouvernement en vue de la Coupe du monde et des Jeux olympiques de Rio 2016 sont devenues monnaie courante, surtout dans la zone Metrô-Mangueira, près du Maracanã, stade accueillant la finale. Certains déplacés, manquant d'alternative de relogement abordable, ont été laissés complètement sans abri.

Maracanã © DR

D’autant que certains stades semblent condamnés à devenir des "éléphants blancs", soit à rester vides après le tournoi, les équipes locales ne rassemblant pas assez de supporters. 

C'est le cas du stade de Manaus, pour lequel il aura fallu près de 205 millions d'euros pour pouvoir accueillir 40 000 personnes pendant la Coupe, et dont la meilleure équipe locale, le Nacional, évoluant en Série D (quatrième division brésilienne) rassemble à peine deux mille supporters.

"Le plus grand risque pour nous, c’est surtout que nous étions à 500 mètres du Maracanã… Et qu’ils ne voulaient pas que nos maisons de pauvres l’enlaidissent", déclare Eomar devant le tas de décombres de sa petite maison de briques rouges, qu’il avait lui-même construite.

"Oublieuse de ses mille favelas peuplées d’1,4 million de favelados, Rio de Janeiro ne les inclut à sa carte postale qu’à l’occasion du carnaval avec en décor de fond, la plage de Copacabana." Ragemag

Le sport est l'une des rares disciplines sans frontière, ni clivage, où des personnes de différentes origines, cultures et religions peuvent incarner une même équipe. Une discipline qui, à elle seule, soulève les foules et rassemble une nation autour d'une même cause : "la paix et une trêve entre tous les belligérants dans le monde entier. Pour les droits de l'homme et la fin des discriminations. Pour une vie digne pour tous», pour reprendre les propos de Mr Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies.

Ces expulsions forcées ne violent pas seulement le droit brésilien et les engagements internationaux du Brésil. Elles bafouent également les valeurs universelles du sport revendiquées par les instances sportives.


Quels intérêts - outre des intérêts politiques, diplomatiques et économiques - que d'organiser les Jeux Olympiques de 2008 en Chine, dans un pays autoritaire, ne respectant pas les droits de l'homme. Pour quelles raisons avons-nous fait l'impasse sur la répression chinoise qui sévit au Tibet depuis près de 50 ans ?

Pour les Jeux Olympiques, le Centre sur le Droit au Logement et les Expulsions, basé à Genève, estime à 1,5 million le nombre de personnes ayant été déplacées à Pékin dans le cadre de projets de développement urbain directement liés aux Jeux Olympiques - la plupart des habitants expulsés de leur logement n'ayant bénéficié d'aucune garantie prévue par la loi ou indemnisation.

Les Jeux Olympiques, ou l'instrument de communication parfait pour modifier l’image d'un pays et asseoir sa puissance économique. En 2008, Pékin est allé jusqu'à déplacer des usines polluantes hors de la ville pour que le ciel reste bleu et pour promouvoir l’élan écologique au bénéfice des Jeux Olympiques. 

Et que dire des Jeux Olympiques de Sotchi...

"À la fois prétexte à une valorisation ultralibérale de l’espace et catalyseurs d’exclusion, les JO jouent à plein et de manière autoritaire la centrifugeuse sociale au nom de son imminence. " Ragemag

Aujourd'hui, sur les six candidats officiels, seuls deux pourront potentiellement décrocher le droit d’accueillir les Jeux en 2022 : Pékin ou Almaty (Kazakhstan), les autres pays dont l'Allemagne, la Suède, la Norvège et la Pologne ayant renoncé. "Les pays, au moins les démocraties, ne gobent plus l’argument des retombées économiques", fait remarquer Deadspin. "Pendant des années, candidater pour les JO a été justifié par un énorme mensonge économique : investir dans l’accueil des Jeux Olympiques permettra une croissance économique à long terme. Ce n’est pas vrai.

Le blog éco-sport du Monde donne l’exemple de Londres : la capitale anglaise a dépensé 8,92 milliards de livres sterling (près de 11 milliards d’euros) pour des recettes globales qui se sont élevées à 2,1 milliards (environ 2,5 milliards d’euros).

Il serait ironique de penser qu'à l'avenir, seuls les gouvernements non démocratiques acceptent d'accueillir les JO ? 

Depuis des années nous nous laissons ainsi bercer par l'éternelle ritournelle "d'un côté le sport, de l'autre la politique : il ne faut pas tout mélanger !" 

Mais jusqu'à quand allons nous fermer les yeux sur des situations inacceptables au nom du sport ? 

Quand on lit les propos d'avril dernier, de Jérôme Vlacke, secrétaire général de la FIFA et bras droit de Joseph Blatter, à propos du retard pris par le Brésil on s'interroge sur les enjeux : "Un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde. Quand on a un homme fort à la tête d'un Etat qui peut décider, comme pourra peut-être le faire Poutine en 2018, c'est plus facile, pour nous les organisateurs, qu'avec un pays comme l'Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveau.

Il n'est pas possible au nom de la compétition, de sacrifier sur l'autel du sport les droits de l'homme et la démocratie. Ce ne sont pas des variables d’ajustement. 

Les grands événements sportifs ne doivent pas devenir le prétexte rêvé pour les autorités pour détruire des quartiers gênants, embellir la ville et réaliser des projets immobiliers d’envergure au détriment des populations. Les écrans de télévision du monde entier et les diffusions de ces manifestations ne doivent pas non plus servir d'écrans de fumée derrière lesquels les autorités locales peuvent attenter aux droits humains. 

Il est urgent pour les hauts dirigeants de prendre en compte dans le processus de sélection d'attribution des grands évènements sportifs le respect des droits de l'homme.

Source : 
*O Estado de São Paulo
helene g.

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