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Comprendre la révolution silencieuse


© Jason Long

Notre système atteint ses limites : pollution de l'air et des sols, océan de plastique, gaspillage alimentaire, crises identitaires et inégalités de plus en plus marquées. Pourtant, contrairement à ce qu'on pourrait penser, nous sommes nombreux, bien plus qu'on ne le croit, à avoir envie de changer de système.

Depuis quelques années, nous voyons en effet émerger partout dans le monde de nouvelles façons d’envisager l’agriculture, l’économie, l’énergie, l’éducation ou encore la démocratie. Des projets qui ne font pas grand bruit, mais qui, progressivement, se propagent jusqu'à devenir palpables et nous prouvent que des principes érigés en norme irrévocable ne sont pas immuables.

Dans les limites de notre système, dans sa faillite, certains hommes, certaines femmes, voient comme une chance : celle de redéfinir les règles de ce monde qui perd les pédales. Ils n'attendent plus qu'on leur dise ce qu'ils doivent faire ou une quelconque permission officielle. 
A leur échelle, en fonction des priorités de leur lieu de vie, ils se rassemblent, s'interrogent, se mobilisent. Ils tentent - en incarnant leurs conviction et en assumant leur responsabilité, en choisissant de mettre de la cohérence dans leur vie - de créer des communautés plus fortes et des économies plus durables. 
"Ils se réapproprient le pouvoir de faire des choses, une des meilleures idées de notre époque." Rob Hopkins

Reprendre les choses en main


Bien souvent, par découragement ou manque de conviction, nous nous réfugions derrière cette justification toute faite : "ce ne sont pas mes petites actions qui vont changer les choses, encore moins le monde !" Par là même, nous oublions que nous sommes la société et que seul notre changement de regard sur le monde déterminera son évolution. 
"Je dis souvent aux gens : vous pouvez manger bio, recycler votre eau, vous chauffez à l'énergie solaire et exploiter votre prochain, ce n'est pas incompatible. Mais attention au changement qui serait seulement un changement structurel et non pas un changement humain. Si l'être humain ne change pas, rien ne changera." Pierre Rhabi (initiateur du mouvement Colibris).
En quoi consommer bio et local, recycler ses déchets ou encore prendre son vélo plutôt que sa voiture va-t-il changer la planète ? Comment quelques personnes qui plantent des arbres arriveront-elles à inverser le changement climatique ? Cela donne aux gens le sentiment de pouvoir changer quelque chose, peut-être pour la première fois de leur vie.

Souvenez-vous de Béa Johnson, cette française vivant aux États-Unis - dont nous vous avions parlé dans notre article "Peut-on vivre sans plastique", et à qui Capital a récemment consacré un reportage - qui s'est investie personnellement dans la lutte contre les déchets. A son échelle, elle a radicalement changé son style de vie et celui de sa famille afin de ne produire qu'un bocal de déchets par an !

Zéro déchet, édition Les arènes © Béa Johnson

Cette démarche tout d'abord individuelle inspire aujourd'hui de nombreuses personnes, bien au-delà de son champ d'intervention. C'est en effet le cas d'Alice Bigorgne, qui après avoir lu le livre Zéro déchet de Béa Johnson a changé de métier et de façon de consommer.
La voilà désormais à la tête d'un commerce Day by day, première chaîne d'épicerie en vrac. Plus de 450 produits (pâtes, riz, fruits secs, condiments, sucreries, etc.) vendus sans emballages et placés en libre-service. "Si vous avez besoin d’une seule cuillère à café ou de deux bâtonnets de cannelle, je vous les vends", explique Alice. À chacun de venir ici avec ses bocaux, bouteilles ou autres récipients pour remplir à sa convenance selon ses besoins.

Alice Bigorgne dans son magasin © DR

Vrac en libre-service au Day by day de Lille © DR

Depuis 2001 à Berlin, un collectif nommé Dinner Exchange organise quant à lui des rencontres conviviales pour les gens intéressés par la question des déchets alimentaires, autour d'un repas.
Avant chaque dîner, déjeuner ou brunch organisé, ils récupèrent sur les marchés, à la boulangerie, chez les distributeurs ou les cavistes, les denrées non vendues qui allaient se perdre. De cette collecte aléatoire d'ingrédients, ils créent ensuite des plats originaux en espérant générer des situations d'interactions sociales  dynamiques. A la fin du repas, chaque invité donne une participation du montant de son choix. Une partie des revenus est versée aux organisateurs, le reste à des associations concernées par les déchets alimentaires.  

Dinner at the Doll'House © Din

Beaucoup de ces événements ont été organisés  dans le cadre de festivals et d'événements tels que la 55e Biennale di Venezia, documenta 13, ou encore KIC Climat Allemagne.

Suivre The dinner exchange sur Facebook

Vivre autrement mais avec son temps !


Il ne s'agit donc pas de vivre en marge de la société ou de revenir à la chandelle. Vivre autrement ne signifie pas revenir en arrière en se disant que tout le système est pourri. Bien au contraire, nous devons tenter de concilier modernité et exigences économiques avec les impératifs écologiques et sociaux. Favoriser l'émergence d'un nouveau modèle de société en développant des alternatives avec les moyens dont on dispose et ceux qu'il faut inventer, sans non plus tomber dans une rigidité tétanisante.

Carrot Mob © DR

C'est le cas du mouvement CarrotMob, concept créé à San Francisco en 2008 par Brent Schulkin, ancien salarié de Google et autoproclamé "militant frustré par l’inefficacité des méthodes traditionnelles de militantisme – les manifestations, les boycotts, les mails aux députés ou aux PDG".

Importé en France en 2010 pour la première fois à Rochefort s/Loire, cette nouvelle forme d'activisme concilie d'une certaine façon consumériste et consommation dite responsable.

En effet, lors de ces rassemblements, le consommateur soutient une entreprise partenaire, par exemple à travers l'achat massif d'un produit qu'elle commercialise, en échange d'engagements à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
Inspiré des flashmobs et fondé sur un principe gagnant-gagnant pour tous les acteurs de l'évènement - en buvant beaucoup de cocktails, on peut aider un bar à devenir plus vert - ce concept basé sur le pouvoir du consommateur emprunte astucieusement ces armes au capitalisme.

CarrotMob © DR

Les règles sont simples : des commerces (épiceries, restaurants, magasins, services…) sont sélectionnés par l’équipe organisatrice du CarrotMob et invités à participer à une enchère. Celui qui propose le plus haut pourcentage de bénéfices réinvestis remporte la mise. "Dans la phase de sélection, nous prenons également en compte l’aspect ludique de la proposition, les animations envisagées par le commerçant, détaille Florian Guillaume, président de Carrot Community et importateur du concept en France. C’est le cas du bar Le Chantier à Rennes qui nous a proposé de faire des cocktails à la carotte." Sur une période donnée, les organisateurs vont faire affluer un maximum de personnes dans le commerce afin de dégager un surplus de chiffre d'affaire pour le commerçant. Celui-ci doit investir une partie des bénéfices de cette fréquentation supplémentaire dans la restructuration écologique de son établissement.
De nombreux CarrotMob ont déjà eu lieu dans plus de 100 pays à travers le monde, y compris en France. Ils ont ainsi permis à la Bellevilloise d’isoler ses bâtiments à Paris, à Ecoffee d’aménager son camion de tri sélectif à Rennes, ou à Be Yourself de construire un composteur à Lille. La dernière campagne a même mené un magasin Intermarché parisien à réduire de 20 centimes en moyenne ses prix sur les produits issus du commerce équitable.

Rejoindre le mouvement : Twitter, Facebook

Une révolution en marche

 
Nous devons faire notre part même si la situation nous paraît démesurée. Comme le colibri qui, lors d'un incendie, va chercher quelques gouttes d'eau avec son bec pour les jeter dans le feu, nous pouvons faire notre part même si la situation paraît désespérée. 





C'est d'ailleurs de cette légende amérindienne que le Mouvement Colibris tire son nom. Initié en 2006 par Pierre Rabhi, philosophe paysan et quelques proches, sous la forme d’une association loi 1901, ce mouvement a pour ambition d’accélérer la transition en s’appuyant sur la capacité de chacun à changer et à incarner ce changement dans des expériences concrètes et collectives. Sa vocation est d’encourager l’émergence et l’incarnation de nouveaux modèles de société fondés sur l’autonomie, l’écologie et l’humanisme.

Depuis ces débuts, le mouvement a vu naître plus de 400 projets.

helene g.

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