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Urbex : les nouveaux aventuriers

Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'urbex. Vous savez, cette activité qui consiste à explorer plus ou moins légalement des friches urbaines, industrielles, des maisons abandonnées ou bien encore des catacombes... Si la pratique a plus d'une vingtaine d'années, internet a récemment permis à ses adeptes de se faire connaître, à travers le partage de clichés rapportés de ces explorations d'un nouveau genre.

Il y a maintenant deux ans, j'ai eu la chance de rencontrer deux pros de l'urbex, pour les besoins d'un reportage. Seth et Sentinel (leurs noms de code), à l'époque basés à Lyon, avaient accepté de nous emmener avec eux en exploration. Je dis "nous" car je n'étais pas seule, deux autres journalistes (Florie Clerc et Emilie Rosso) m'accompagnaient.
Seth et Sentinel avaient déjà fait l'objet d'un reportage dans l'émission Envoyé Spécial. C'est d'ailleurs grâce à celui-ci que nous les avions découverts.

Ma journée urbex avait été riche en surprises : commencée très tôt le matin par l'exploration d'un couvent réputé hanté, elle s'était terminée par une expédition dans un hospice désaffecté.
A la suite de ce reportage, nous avions monté un petit documentaire vidéo de 3 minutes que voici :



Nous avions aussi écrit un article, publié dans l'Ecornifleur, le journal de Sciences Po Lyon (hiver 2011), dont voici un condensé :

Née dans les années 90, l'urbex - une contraction pour exploration urbaine - est une activité qui consiste à visiter des lieux abandonnés et souvent difficiles d'accès.

Au commencement était un homme: Ninjalicious. Jeff Chapman, de son vrai nom, n’a pas inventé le goût de l’aventure ni celui de la transgression de l’interdit. Il est cependant à l’origine de l’expression "urban exploration" (dont urbex est la contraction). C’est dans les années 90 qu’il désigne par ce terme une activité consistant à visiter des lieux abandonnés ou non, en général interdits d’accès, ou tout du moins difficile d’accès. Popularisée par le milieu cataphile et par le biais de reportages télé, l’urbex est bientôt connue dans le monde entier. Cataphiles, toiturophiles, explorateurs de tous poils, ils suivent pendant des années le fanzine Infiltration de Ninjalicious.

©DR

"How can we access to places we’re not supposed to go?" Voilà la question que tous les urbexeurs se posent, et à laquelle Jeff Chapman apporte les premiers éléments de réponses. C’est aussi lui qui, précurseur, contribue largement à l’intégration d’internet comme vecteur de l’urbex.

Aujourd’hui en France, on compte à peu près 10 000 urbexeurs (dont Seth et Sentinel). La région parisienne est particulièrement propice à cette activité (métro, nombreux chantiers, usines, hôpitaux, bâtiments abandonnés, toits d’immeubles, monuments, souterrains), mais la province offre aussi de nombreuses possibilités d’exploration.

Les motivations des urbexeurs sont variées. Certains sont portés sur l’aspect historique, le patrimoine caché. D’autres voient en l’urbex un moyen de maîtriser la ville moderne et ses coulisses. Leur point commun : braver l’interdit pour accéder à des lieux qu’ils sont les seuls à explorer. La pratique n’est prohibée en France que par quelques décrets, arrêtés préfectoraux et règlements internes mais n’est punie par la loi qu’en cas d’effractions, dégradations ou vols.

Parce qu’elle est sujette à un flou juridique, l’urbex pousse ses pratiquants à se cacher. Le terme de « communauté secrète » peut faire sourire, pourtant, il se prête bien à la situation. Et cela contribue, c’est vrai, au charme de l’exploration urbaine.

La Fonderie ©Urbex.Me

Seth et Sentinel, créateurs de l'association d'exploration urbaine Urbexme, sont des spécialistes. Rencontre avec deux lyonnais qui n'ont pas froid aux yeux.

Comment avez-vous découvert l’urbex ?

C’est la photo qui nous y a menés. Au départ, on cherchait des trucs rigolos à faire, on a donc commencé à prendre des photos dans une vieille usine. C’est ensuite devenu une drogue, on s’arrêtait à la moindre baraque fermée. Maintenant, depuis trois ans qu’on pratique, on est devenu plus exigeants, on recherche plus la qualité que la quantité.

Tous les urbexeurs font-ils de la photo ?

Non pas tous. Le plaisir de l’urbex, c’est avant tout celui de découvrir un lieu abandonné. Nous, on aime prendre des photos, mais ce n’est pas le cas de tous les urbexeurs.

Vous publiez vos photos sur internet grâce à votre blog « Urbex-Me », qu’est-ce qui vous a donné envie de le créer ?

Dans les premiers temps, on gardait les photos pour nous. Le blog n’est venu que plus tard. On souhaitait partager nos découvertes. Mais le succès du blog nous a surpris. Il a pris une ampleur ni voulue, ni mesurée. Nous l’avons créé sans le faire exprès au moment même où l’urbex commençait à se faire connaître sur internet.

Du coup, vous avez décidé de faire partie d’une association pour englober vos deux activités, l’urbex et la photo.

Oui. C’est une association loi de 1901 qui comporte deux bureaux, dont un pour l’urbex. Cela nous permet d’avoir un statut juridique, une vraie existence, mais aussi de renvoyer une image sérieuse de notre activité.

Combien d’urbexers êtes-vous dans cette association ?

Nous ne sommes que deux. Par contre à Lyon, il y a pas mal d’urbexers indépendants. Sûrement une trentaine.

Êtes-vous en contact avec eux ?

Avec certains oui. L’urbex est une sorte de société secrète. On arrive à connaître des gens axés sur Lyon à force des les croiser sous terre où sur des toits. On croise beaucoup d’urbexers sur le toit de Fourvière.

Comment faîtes-vous pour accéder à de tels endroits ?

Pour certains spots – comme on les appelle – on doit se creuser la tête pour réussir à entrer. Parfois, on fait appel à des gens ayant une compétence particulière comme l’escalade. Lorsqu’un spot est gardienné, comme c’est souvent le cas des anciens hôpitaux ou des habitations abandonnées, on doit élaborer des plans, voire jouer à cache-cache avec les gendarmes. Mais on s’est toujours dit que si un jour on tombe nez à nez avec un gardien, on ne prendra pas la fuite, on assumera.

Que risquez-vous si vous vous faîtes prendre ?

Pas grand-chose. Tant qu’il n’y a eu ni effraction, ni dégradation, ni vol. En plus, comme nous avons toujours notre matériel photo avec nous, ça rassure. Plus que si on se faisait prendre avec une barre de fer ou une pince coupante. Le pire que l’on risque en fait, c’est une convocation au commissariat. Pour le moment, ça ne nous est jamais arrivé, même quand nous nous sommes introduits dans la prison de Lyon. Par contre, nous sommes connus par la mairie de Lyon à cause de nos activités souterraines…

Le risque ajoute-t-il un plus à la pratique de l’urbex ?

C’est rigolo, ça ajoute un truc, c’est sûr. Mais ce n’est pas ce qu’on recherche en priorité. Ce qu’on aime avant tout, c’est la photo et l’exploration.

Au-delà du risque de se faire conduire au commissariat, l’urbex n’est quand même pas une pratique sans danger.

Il faut être prudent, c’est vrai. On se protège toujours les mains et la tête, mais il y a des risques, surtout lorsque nous allons dans des souterrains. Lorsqu’un spot est vraiment dangereux, on prévient un proche de l’endroit où on se trouve, et on y va toujours à deux. On se fait confiance, on sait que nous pouvons compter l’un sur l’autre en cas de danger. On se comprend d’un regard.

Quelle portion de votre temps libre consacrez-vous à l’urbex ?

Beaucoup. Quand on part en exploration, c’est au minimum une demi-journée, et ça peut prendre plusieurs jours. Dans quelques semaines par exemple, on part quatre jours en Italie, avec au programme deux ou trois spots par jour. Nous sommes déjà allés deux fois en Belgique rien que pour l’urbex. En fait, dès qu’il y a un spot à faire, on y va. Parfois, il y a urgence, car l’activité évolue au jour le jour. Si on apprend qu’un bâtiment va être détruit, ou alors au contraire qu’un bâtiment est sur le point de fermer, on fonce.

Pour vous, qu’est-ce qu’un bon spot ?

Il y a plusieurs critères, comme celui d’être les premiers à arriver sur place. Dès qu’un lieu est abandonné, il attire des squatteurs ou des récupérateurs. Le but du jeu est de passer avant eux. On aime aussi les lieux dans lesquels il reste des vestiges du passé. Les lieux qui ne vieillissent pas, comme l’hôtel Dieu par exemple, et dont on dirait qu’ils ont été fermé la veille, ça ne nous intéresse pas trop. On aime beaucoup les anciens hôpitaux et les sanatoriums, surtout ceux dans lesquels il y a des morgues. Mais aussi les  châteaux, les toits.

Êtes-vous toujours en quête de nouveaux spots, ou bien retournez-vous parfois explorer un lieu que vous connaissez déjà ?

Ça nous arrive de revenir sur nos pas, lorsque le lieu est grand par exemple, et que nous n’avons pas pu tout faire en une fois. On revient aussi quand on a eu un gros coup de cœur ou alors quand on a besoin de refaire une photo. Mais c’est vrai qu’on est toujours à la recherche de nouveaux spots. Notre projet le plus ambitieux et de réussir un jour à urbexer à Tchernobyl.

(Propos recueillis par Emilie Rosso, Florie Clerc et Marion Guillou)

Castello ©Urbex.Me

Je suis toujours en contact avec Seth grâce aux réseaux sociaux, et j'espère bien que le jour où il décidera de tenter l'aventure Tchernobyl, il m'en fera part pour que je puisse vous la faire partager.

En attendant, je ne peux que vous conseiller l'exploration urbaine depuis votre petit chez-vous, en allant visiter le blog de ces deux aventuriers ! En plus des superbes photos qu'il contient - dont vous avez eu deux aperçus dans cet article, il est riche de récits d'explorations.

Marion Guillou

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