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C'était comment, à bord de l'Hermione ?

Amandine Delahay à bord de l'Hermione © AD


Amandine est une rochefortaise comme les autres... ou presque. À 27 ans, elle fait partie des 150 gabiers de l'Hermione, qui l'ont menée de La Rochelle à Philadelphie entre avril et juillet dernier. Interview d'une aventurière au pied marin !


Les 150 gabiers de l'Hermione n'ont pas tous navigué en même temps. Le voyage a été découpé en six parties, appelées "legs". Chaque leg mobilisait 56 gabiers. Amandine a fait des trois premiers, soit la traversée allé. Elle est rentrée en France par avion le 5 juillet, après avoir profité de la fête nationale américaine dans le port de New-York. 

Comment es-tu devenue gabier volontaire sur l'Hermione ?


Tout a commencé en 2012. Cette année là, j'ai travaillé comme guide/agent d'accueil à la Corderie Royale et au chantier de l'Hermione, ce qui m'a permis de rencontrer les différents protagonistes de l'aventure. Plus j'échangeais avec eux, et plus j'étais intéressée par le voyage. En septembre 2013, mon contrat s'est terminé et je suis partie en vacances en Californie. Au retour, je n'avais pas de boulot et les recrutements pour l'équipage volontaire commençaient juste... alors j'ai sauté sur l'occasion. 

Lors de rassemblements maritimes, j'avais eu l'occasion d'échanger avec des filles de mon âge et de mon gabarit, qui étaient membres d'équipages de grands voiliers. Je savais donc que c'était physiquement possible. 
Pourtant, je n'étais pas vraiment ce qu'on pourrait appeler une grande navigatrice ! Mon expérience de la mer se limitait à quelques stages de voile étant enfant, et à des sorties sur des plaisanciers. 

Après une lettre de motivation et un CV adressés au Commandant Yann Cariou, j'ai été invitée à participer à un stage de formation de trois jours avec, dès le premier jour, le test ultime : l'ascension dans la mâture. 
Tous les gabiers doivent être capables de monter dans la mâture sans problème. Si un stagiaire n'y parvenait pas - après plusieurs essais - malheureusement, il ne pouvait pas faire partie du voyage. 
Je suis devenue une gabier volontaire en mars 2014. Ce n'était que le début d'une très grande aventure !


Comment s'est passée la préparation au voyage ?


Une fois volontaire, on est vivement encouragé à venir travailler sur le chantier, ce que j'ai fait. À l'époque, l'Hermione n'avait pas encore de voile, et très peu de cordages. Il y avait beaucoup à faire avant les premiers essais de septembre 2014 ! Nous étions encadrés par des pro et l'équipe des gréeurs, c'est à dire les responsable du gréement : la mâture, les vergues, les voiles et tous les cordages. Au printemps on a installé les voiles et appris à les manipuler : les établir (mettre les voiles), les carguer (les remonter) et les serrer (les plier/serrer/ attacher le long de la vergue). 

C'est aussi sur le chantier que nous avons tissé des liens entre gabiers. Nous avons appris à naviguer grâce aux essais en mer de septembre, octobre et novembre 2014. La première sortie officielle de l'Hermione était une journée magnifique. Nous allions vers l'inconnu, nous avions tout à apprendre, tout à découvrir. Nous avons eu la surprise d'être attendus par de nombreux bateaux à la sortie de la Charente. Et puis nous avons testé le bateau sur la façade Atlantique. Au retour, je n'avais qu'une envie : que le départ pour le grand voyage arrive le plus vite possible. 

Comment as-tu concilié ton expérience sur l'Hermione avec ta vie professionnelle et avec ta vie privée ?


Comme j'avais du mal à trouver un boulot stable dans le tourisme, j'ai pris le parti de me consacrer à plein temps au projet Hermione, non sans certains sacrifices. Pour limiter les frais, j'ai rendu mon appart et j'ai passé le printemps et une partie de l'été à camper. Mes grands-parents ont un terrain de loisir près de Rochefort où j'ai pu m'installer, avec d'autres gabiers. Tout mon entourage m'a beaucoup soutenu. 

Côté vie privée, pas de problème puisque mon chéri fait aussi partie de l'équipage. On s'est rencontré sur le chantier !

À quoi ressemblait ton quotidien pendant la traversée ?


Les cinquante-six volontaires (et les dix-huit professionnels) sont répartis en trois équipes que l'on appelle "les tiers". Ils se partagent le travail à bord grâce un système de quarts : deux quarts par jour pour chaque tiers. La journée est donc découpée en six morceaux : quarts de jour et quarts de nuit. 
Tiers Babord : 8 heures -12 heures / 20 heures - minuit. 
Tiers Milieu : 4 heures -8 heures / 16 heures -20 heures. 
Tiers Tribord : Minuit - 4 heures / 12 heures - 16 heures.
De La Rochelle aux Canaris, j'étais dans le tiers Milieu ; des Canaris aux États-Unis, j'étais dans le tiers Tribord.  
Dans le tiers Tribord, on dîne à 19 heures (il y a deux services repas à bord, à 19 heures et à 20 heures, en fonction du tiers). On est les premiers à se coucher, car on est réveillé à 23 heures 30 pour notre quart de minuit. À 23 heures 45, on est sur le pont, en assemblée. On fait l'appel pour voir si tout le monde est bien là, et puis on relève le tiers Babord qui va se coucher. 

Sur les dix-huit membres du tiers, quatre ont un poste précis : le barreur 1, le barreur 2,  le rondier et le veilleur. Les barreurs sont, comme leur nom l'indique, à la barre. Le rondier s'occupe de la ronde de sécurité : il vérifie que tout va bien (pas de départ de feu, de voie d'eau, d'objet mal amarré, de malaise, etc.). Le veilleur est chargé de surveiller l'avant du bateau et d'avertir l'officier de quart dès qu'il voit un autre bateau, de l'orage au loin, ou quoique ce soit à la surface de l'eau. 

Amandine au poste de barreur sur l'Hermione © DR

Évidemment, ça change à tous les quarts : parfois on va être à la barre, à la veille ou à la ronde, et parfois non. Le reste du temps, on est aux ordres du chef de tiers pour les manoeuvres de voiles. 
La nuit, les quarts sont plutôt calmes. On passe pas mal de temps assis sur le pont à papoter et à regarder les étoiles. Nos chefs de tiers ou nos officiers en profitent pour nous donner des cours de navigation.
À 4 heures du matin, on retourne au lit ! On nous réveille vers 10 heures 30 pour le déjeuner de 11 heures. Pour ma part, après quelques jours d'acclimatation, j'avais l'habitude de me lever un peu plus tôt pour aller dire bonjour à mon amoureux qui lui, était dans le tiers Babord. Et oui, les couples ne sont pas mis dans les mêmes tiers. 

À midi, c'est reparti pour un nouveau quart. Contrairement à la nuit, on s'active ! En plus des manoeuvres, il y a beaucoup de petits travaux à faire : dans la mâture, dans les ateliers, etc.. Il y a toujours de la maintenance et de l'entretien à faire. On aide aussi en cuisine. 

À 16 heures, le quart est terminé. Libre à nous de faire une sieste, de rester sur le pont pour lire, papoter, faire des jeux de société, etc.. 
Pour les manoeuvres d'urgence par contre, même si on n'est pas de quart, tout l'équipage est sur pont. 

© AD

© DR

La vie à bord était-elle confortable ? 


Nous avions des sanitaires modernes : douches, toilettes et éviers. Évidemment, il fallait faire attention à l'eau. Pour une douche : on se mouille, on coupe l'eau, on se nettoie, on se rince. Pas question de chanter tout son répertoire en laissant couler l'eau ! On pouvait alterner jours de douche et jours de toilette au gant. 

La nourriture à bord, préparée par le chef et son second de cuisine, était très bonne. Les dimanches, on avait même des repas améliorés comme du magret de canard, des papillotes de saumon, ou encore des pâtisseries.

Nous avions mis en place des lignes de pêche, mais malheureusement, nous allions souvent trop vite pour réussir à pêcher. Nous avons quand même fait quelques jolies prises. 
Je me souviens d'un thon, une bonite plus précisément, pêché pendant notre quart, que nous avons mangé cru mariné dans de l'huile d'olive et du citron, à peine une heure après sa sortie de l'eau. Un délice.
Et puis nous avons fait des baignades, dont une mémorable au milieu de l'Atlantique. Il y avait entre 4000 et 5000 mètres de fond, l'eau était à 24°, d'un bleu transparent. 

Baignade au milieu de l'Atlantique. Pour des raisons de sécurité, les zodiacs ont été descendus. © DR

Dans une époque connectée 24/24, comment as-tu vécu la coupure avec le monde extérieur ?


Ça fait un bien fou ! J'ai même encore du mal à me dire que mon téléphone a du réseau, et je rate la plupart des appels. Par contre, j'étais contente pendant les escales d'envoyer des nouvelles à ma famille, surtout à ma petite nièce de sept ans. 

À quoi consacrais-tu ton temps libre à bord ?


J'en ai profité pour faire une cure de lecture, grâce à la une belle bibliothèque constituée par l'équipage. J'ai aussi fait de la couture, tenu un journal de bord. Parfois, je m'allongeais simplement sur le pont avec de la musique dans les oreilles. On ne s'ennuie jamais sur l'Hermione, c'est impossible.

Temps libre sur le pont © AD
© AD

Quels sont tes plus beaux souvenirs de traversée ?


La baignade au milieu de l'Atlantique restera un des plus beaux souvenir de mon voyage. Je n'aurais jamais imaginé faire ça dans ma vie. 

Il y a aussi l'après-midi avant d'arriver à Norfolk, aux États-Unis. Un orage est arrivé et il a fallu serrer toutes les voiles très rapidement. On était tous en short et t-shirts dans la mâture quand une grosse pluie d'orage chaude a commencé à tomber. Quand on est redescendu sur le pont, on était tous trempés, mais on avait le sourire car c'était notre dernier grain à bord.  

L'Hermione arrive aux Bermudes © AD

L'escale aux Bermudes est aussi un beau souvenir, on l'a apprise au dernier moment. Ce n'était qu'une petite journée, mais elle était à couper le souffle tant la mer était belle. J'ai eu la chance d'aller nager dans une petite crique, de plonger avec masque et tuba à la découverte des poissons tropicaux. Le soir sur la plage, on a bu une bière autour d'un feu avec les copains de l'équipage. 
J'ai même un tampon "Enter by sea - Bermuda" dans mon passeport, j'en suis très fière.

Après plusieurs semaines en mer, ça fait quoi de retrouver la civilisation ? 


L'escale aux Bermudes nous a un peu réadaptés à la civilisation : les habitants, les voitures, les commerces. Points positifs : j'ai pu communiquer directement avec ma famille et mes amis via internet, aller boire une bière, un bon café, et manger un burger avec des frites et une glace au dessert !

Points négatifs : j'ai trouvé qu'il y avait du bruit et beaucoup d'agitation autour de nous. Parfois encore, j'ai la nostalgie des nuits étoilées seule au milieu de l'océan. 

Quiétude à l'avant de l'Hermione © AD

Comment as-tu trouvé l'accueil des Américains ?


Génial, surtout dans les petites ville. À Yorktown, toute la ville s'est mise aux couleurs du bateau et de la France pendant nos trois jours d'escale. Dans un restaurant, un monsieur nous a offert le petit-déjeuner, pour nous remercier d'avoir fait passer l'Hermione dans sa ville. L'histoire de LaFayette est beaucoup plus connue aux États-Unis qu'en France, beaucoup de gens sont encore très reconnaissants de l'aide apportée à leur indépendance. 

À chaud : qu'est-ce que l'aventure Hermione aura changé dans ta vie ?


J'ai appris énormément sur moi, j'ai appris à me faire confiance, j'ai découvert beaucoup de capacités jusqu'alors sous-estimées. En arrivant sur le projet en 2012, j'étais loin d'imaginer que je traverserais l'Atlantique avec l'Hermione ! 

Propos recueillis par Marion Guillou


Commentaires

  1. Super article ! J'ai eu l'occasion d'aller visiter l'Hermione juste avant son départ de La Rochelle. Souvenir inoubliable. Quel beau bateau et surtout quel beau travail d'équipe.
    Bravo à tous !!

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